Rendez à César ce qui est à César et…
Dans l’entretien que vous avez donné à la Nouvelle république du 24 décembre, pour la veille de la belle fête chrétienne de Noël, j’ai été très surpris de ne pas lire un mot sur la naissance du Christ Rédempteur et son message d’espérance et de joie.
En revanche, l’article rend compte de votre point de vue sur la situation politique de notre pays, ce qui relève plus du temporel que du spirituel. Pour ma part, si vous n’aviez parlé que du Bon Dieu ou de la place de l’Église en France, je n’aurais pas pris ma plume pour vous faire part de ma réaction. Vous auriez été dans votre rôle premier.
Mais dès lors que vous abordez les questions du « consumérisme libertaire », de la « guerre » déclarée par L’État islamique ou du « populisme », je me sens en droit et en devoir de vous répondre.
Si notre société va mal c’est, entre autres, parce qu’elle a perdu confiance dans la Vie, naturelle et surnaturelle, laissée pour compte ou détruite dans la faiblesse de son début et de sa fin. Notre société, au nom de l’individualisme, n’a plus confiance dans le Lien – qui contraint mais qui retient- dans l’engagement du mariage d’un homme et d’une femme ni dans le lien généré par l’autorité et l’obéissance. Elle laisse croire que les hommes sont tous remplaçables, interchangeables et dépourvus de racines identitaires.
Notre société se régénèrera en plaçant la Vie au cœur de ses préoccupations car il n’est de richesse que d’hommes. Richesses de la vie, donnée, reçue ou offerte gratuitement.
Si notre société va mal, c’est aussi parce qu’elle a perdu le sens du don gratuit et du sacrifice pour le Bien commun, engourdie qu’elle est dans un confort matériel et mental, précaire et immédiat, qui rejette la transcendance, laquelle n’est pas l’exclusivité du religieux.
Vous avez raison, ce n’est pas « résister » que de se prélasser sur les terrasses de café en croyant que les islamistes terroristes seront impressionnés par notre « courage Heineken».
Vous avez raison, le matérialisme individualiste qui nous est imposé par la société marchande apatride corrode et détruit les liens charnels qui unissent les hommes d’un même terroir, d’une même patrie.
Ce n’est pas un hasard si la famille, cellule de base de la société et lien par nature, est attaquée de toutes parts, si les associations caritatives ou sportives ont du mal à trouver des bénévoles. Pour cette société anonyme, chaque personne doit se transformer en un individu numéroté de manière à pouvoir en faire un consommateur lambda voire un producteur intérimaire… quand il y a du travail.
Quant à savoir si le « populisme » se nourrit des insatisfactions ou des jalousies créées par cette société de consommation, j’en doute et j’aimerais d’abord que l’on définisse ce qu’est le « populisme ».
Il y a un parti socialiste ou communiste mais aucun parti ne se dit « populiste». Vous connaissez la « novlangue » et savez sans doute que ce terme a été choisi – par qui ? – pour dénaturer et discréditer l’authenticité d’un choix politique doté d’une vision solidaire de l’homme dans la société. Ce terme est utilisé pour désigner les nouveaux dissidents qui, de l’Est sont passés à l’Ouest. Il s’agit de ceux qui contestent les politiques mondialistes contraires à l’enracinement cher à Péguy, donc à l’épanouissement de nos compatriotes. Ces dissidents sont ceux qui remettent en cause les politiques de migrations massives de populations destinées au déracinement donc à l’affaiblissement de leurs immunités. Ce sont ceux qui refusent les privilèges des nouvelles élites « hors sol », privilèges attribués par la grande Finance, détachée de la notion de travail. Ce sont ceux qui prônent la défense de la Vie, du début à la fin, avec le souci de la protection des plus faibles.
Bref, ces populistes dont vous pensez qu’ils n’ont ni projet, ni compétences, ni avenir, pour parler clairement, il s’agit du FN, qui vient d’adresser un avertissement aux dernières élections.
Je constate qu’en parlant d’un populisme « sans programme cohérent », sans volonté réelle d’accéder au pouvoir » et dont l’impéritie éclaterait rapidement au grand jour, vous reprenez les arguments de la doxa actuelle. Mais qu’avez-vous à craindre d’un mouvement populaire qui ne veut pas accéder au pouvoir et qui, dès son élection, se révèlerait incapable? Rien. Il faudrait malgré tout s’interroger sur la réussite au moins électorale et financière des municipalités gérées par le FN depuis un an et demi.
Monseigneur, nous assistons depuis 20 ans à une formidable réaction de vie d’un peuple dépossédé de sa souveraineté qu’un personnel politique usé a abandonné aux économistes. Vous ne semblez pas apprécier cette réaction de santé et de survie, je le regrette.
Pour ma part, je n’ai aucune confiance dans la classe politique dont vous espérez, avec une certaine naïveté, un « sursaut et une conversion ». Une conversion religieuse ? Mais à quelle religion?
Vous espérez que la droite et la gauche se retrouveront pour former, comme en Allemagne un gouvernement d’union ou d’entente nationale.-mais notre histoire n’est pas la même et il ne faut pas oublier que les parents de Madame Merkel ont quitté l’Ouest pour rejoindre l’Est au moment de l’édification du mur de Berlin.
L’avantage de votre solution est qu’elle ferait apparaître au grand jour la collusion réelle Droite/Gauche et révèlerait que les vraies oppositions sont ailleurs. Ainsi, les yeux des Français seraient ouverts à la manipulation dont ils sont l’objet.
Une manipulation que vous avez pressentie quand vous notez que les billets d’euro avaient fait disparaître nos grands hommes pour les remplacer par des monuments anonymes, des vitraux géométriques sans le moindre personnage évangélique, ou des porches sans croix. Ces billets, qui n’ont plus la signature du Contrôleur ni du Caissier général, ne garantissent plus rien. Ils font même apparaître la Turquie comme membre de l’UE.
Vous l’avez compris, la manipulation des esprits avait commencé avec le remplacement du Franc par l’Euro. Le premier lien tangible européen, celui de la monnaie, avait été faussé délibérément dans sa représentation picturale.
Chesterton disait que « Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Elles sont devenues folles, parce qu’isolées l’une de l’autre et parce qu’elles vagabondent toutes seules. » Ce que vous appelez le « populisme » c’est sans doute cette volonté de relier ces vertus les unes aux autres afin de donner un sens et une transcendance à notre passage sur terre, en société. J’ai confiance dans les capacités de notre pays à se redresser dès lors que ses racines chrétiennes seront restaurées dans ses principes.
Vous saurez m’excuser d’avoir été trop long et je vous remercie d’avoir poursuivi la lecture de cette lettre jusqu’au bout.
Veuillez agréer, Monseigneur, l’expression de ma très respectueuse considération et recevoir mes meilleurs vœux pour l’année 2016 qui commence.
Miguel de Peyrecave
Conseiller municipal de Blois